Le cinéma d’auteur, va-t-il survivre ?

 

Le cinéma d’auteur, éternel outsider du genre, passionne, fait rire, fait réfléchir, surprend… En bref il reste la porte d’entrée à la créativité et à la nouveauté à petit budget.

Depuis la crise de 2008, le budget des films indépendants a dû être sérieusement revu à la baisse, et le cinéma d’auteur doit également faire face à la montée en puissance de la VOD. C’est un second coup dur, après la première crise financière de 2008. Pour survivre le cinéma d’auteur va devoir se réinventer. Il est désormais très rare que les budgets de ces films dépassent les 25 voire 30 millions de dollars en Amérique et la mort du DVD ne permet plus d’amortir un échec en salle.

Afin de conquérir des spectateurs toujours plus tournés vers le digital, il faut investir dans le marketing afin de booster sa visibilité. Du côté spectateur il y a le choix entre sortir un soir de semaine ou de weekend et dépenser 15€ dans une soirée cinéma ou la tentation de rester chez soi avec un catalogue de plusieurs milliers de films sur des plateformes comme Netflix, qui, avec son abonnement mensuel, est plus que rentable.

 

Pourtant un film a besoin de l’exposition médiatique que seule une sortie en salle peut lui apporter afin de réussir sa seconde vie sur DVD et sur les plateformes de VOD. Un film totalement inconnu du grand public, ne suscitera ni achat ni clic de la part du spectateur. On aime tous voir un film que l’on nous a recommandé ou dont on a entendu parler. Les films inconnus, qui n’ont pas de réputation, atteignent beaucoup moins de spectateurs et peuvent tomber à jamais dans l’oubli.

Malgré la perte de vitesse du cinéma indépendant, Hollywood ne s’est pourtant jamais autant tourné vers les réalisateurs indépendants. Afin de différencier leurs films qui abordent souvent des thèmes récurrents, notamment pour les franchises de super-héros, et qui peuvent être vite répétitifs, sans saveur ni surprises (comme ce fut le cas vers le milieu de la carrière
cinématographique de Marvel), les studios hollywoodiens cherchent des auteurs ayant une patte bien définie. Ce fut notamment le cas pour Black Panther réalisé par Ryan Coogler. Choisir des réalisateurs ayant leur propre patte est un gage de réussite en salle, les chiffres des derniers Marvel ne diront pas le contraire.

Mais si Hollywood attire plus en salle c’est pour une simple raison : c’est un cinéma tout-publique et universaliste. Alors que les films d’auteur abordent des thématiques sérieuses et qui nécessitent la réflexion et l’attention, Hollywood fournit un divertissement. Une grosse dose d’effets spéciaux, d’humour, de stars et de super-héros. Après tout, la culture américaine se caractérise en partie par son cinéma et Hollywood reste maître en termes de rassemblement des masses. Quand on va voir le dernier né hollywoodien on sait que l’on va voir un film grand spectacle où l’on va passer un bon moment, même si Hollywood propose parfois de belles surprises avec des réalisateurs plus originaux comme Nolan, qui, d’une certaine manière font du cinéma indépendant à gros budget.

 

Du côté indépendant les films à petit budget défendus par les critiques restent boudés par le public, un phénomène qui a du mal à s’expliquer.

De nombreux films d’auteur acclamés par la critique, récompensés par une palme d’or ou gagnants de festivals ne connaissent pas de succès en salle. Cela s’explique majoritairement par la surexposition et la longue présence en salle de gros films beaucoup plus attendus, avec notamment les franchises à succès comme les Marvel ou dans son temps : Harry Potter. Les films bénéficiant d’un beau casting ou d’une promotion agressive ont plus de chances de réussir leur arrivée en salle. Les autres films doivent se partager les miettes et les films à petit budget et sans stars ni promotions ne se retrouvent que dans très peu de salles.

Deuxième raison : Il n’y a pas assez de salles pour tous les films qui sortent, du moins en France. La durée de vie de chacun diminue donc et quand il y a besoin d’une salle, le film qui marche
le moins se retrouve retiré de la programmation, ce qui revient à une condamnation à mort pour tous ces films qui se construisent sur le temps et le bouche à oreille et qui sont, dans la majorité des cas, des films d’auteur ne bénéficiant pas de l’appui médiatique et publicitaire des films à gros budget.

Côté spectateur, c’est la façon de consommer le cinéma qui a évolué ces dernières décennies.

Si avant, le besoin de distinction primait, l’émotion dominante de ces dernières années est le partage. On ne cherche plus à découvrir le dernier auteur indépendant pour briller en société mais plus simplement à pouvoir partager les mêmes émotions et cela passe par voir les mêmes films. Les films d’auteur sont donc plus facilement oubliés face à la pléthore de « gros » films. Le prix en salle justifie également un abandon des films jugés sans action ou ceux où il faut réfléchir, beaucoup attendant leur sortie sur les plateformes de VOD pour les voir.

Les films hollywoodiens ayant les moyens de se promouvoir sont donc largement privilégiés et jouissent également, pour la plupart, d’un casting de rêve. Les petits films n’ayant pas le budget pour un tel casting peuvent donc faire un peu moins rêver sur leurs têtes d’affiche.

Pourtant de plus en plus d’acteurs se lancent dans le cinéma d’auteur, que ça soit en tant qu’acteurs ou réalisateurs, le marché de l’indépendant attire les artistes. Des projets plus intéressants, qui sortent de l’ordinaire ou tout simplement plus engagés sur des thématiques de société ou des faits qui touchent le monde, les films indépendants ont beaucoup à offrir et beaucoup de stars sont conscientes du potentiel de ce marché. De plus, leur présence dans un film d’auteur attirera plus d’attention sur le film et sur l’acteur lui-même, c’est donc très souvent un combo gagnant.
Dans ce nouveau paysage cinématographique le cinéma d’auteur a-t-il une chance de survivre ?

Tels les gaulois, le cinéma d’auteur résiste à la toute-puissance d’Hollywood.

En France, Unifrance inaugure le bal avec Allociné et Télérama, en créant un festival en ligne : My French Film Festival. Ce dernier propose des films français à la demande dans le monde entier et en 10 langues, pour la modique somme de 2 à 4€ selon le pays. Le but est de rassembler une communauté de cinéphiles férus de cinéma français afin de promouvoir la culture française à l’étranger et éclairer un peu plus la scène indépendante.

Niveau films, même si Hollywood rafle toutes les mises, beaucoup se tournent de nouveaux vers des films plus « originaux » et surtout loin des suites à répétition. Le spectateur aime être surpris et voir des prises de risque.

Ainsi l’arrivée de certains acteurs ou réalisateurs sur le marché de l’indépendant est une aubaine pour ce dernier. Après tout, avant d’être de réalisateurs AAA des noms comme De Palma, Coppola ou encore Scorsese, étaient, d’une certaine façon, des indépendants. Le cinéma indépendant est le point de rencontre entre des artistes en devenir et d’autres plus aguerris, c’est un espace d’expression totalement libre.

Du côté de la Croisette et du Festival de Cannes on mise tout sur le cinéma indépendant et la promotion de films d’auteur. Pour attirer le plus d’attention sur les films présentés à chaque édition du festival, l’ingrédient secret est de réunir les stars, que cela soit dans son jury ou dans les invités, avoir des stars sur la Croisette est une promesse de médiatisation de l’événement et des films qui seront vus et récompensés.

C’est l’exposition du festival qui permet de faire connaître de nombreux films, souvent méconnus du grand public et même si parfois une palme d’or ne déplace pas les foules, elle permet de jeter une lumière non négligeable sur un film et son réalisateur.

 

 

Mais à l’ère de la VOD et du digital, le futur du cinéma d’auteur pourrait bien se trouver dans la VOD. Ainsi de nombreuses grosses plateformes comme Netflix proposent dans leur
catalogue de nombreux films d’auteur, plus ou moins connus, mais pouvant jouir d’une meilleure visibilité grâce à la plateforme.

Certains préfèrent sortir du carcan du géant américain et c’est comme cela qu’est né UniversCiné. Ce site regroupe les catalogues d’une trentaine de producteurs et distributeurs français indépendants. De quoi mettre en avant un cinéma d’auteur à la française.

Le site est enrichi de plus 5000 films à l’heure actuelle et son contenu éditorial est sans cesse mis à jour avec la publication d’articles, de vidéos, d’interviews d’acteurs et de réalisateurs.

Il y a même un forum de discussion pour se retrouver entre cinéphiles experts ou amateurs…
Ce sont des regroupements comme celui-ci qui permettent au cinéma d’auteur de survivre et de toucher un public qu’il n’aurait peut-être jamais pu toucher autrement. En prenant le contrepied d’Hollywood, le cinéma d’auteur se construit sa niche et un public de fidèles.

 

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